Explication des deux préceptes de la charité et des dix commandements de la loi

Tractatus de duobus praeceptis charitatis et decem legis praeceptis

Par saint Thomas d'Aquin

LâOpuscule « Explication des deux préceptes de la charité et des dix commandements de la loi », publié dans ce volume, constitue la troisième et dernière partie des sermons prêchés par saint Thomas dâAquin, à Naples, dans lâéglise de Saint-Dominique, durant le Carême de 1273, un an avant lâachèvement de sa carrière terrestre.
Parmi la foule nombreuse, toujours très attentive qui accourait pour lâentendre, se trouvait un élève de lâorateur, le Père dominicain Pierre de Andria, futur évêque dâAquin; celui-ci recueillit soigneusement les paroles de son maître prononcées dans le dialecte napolitain et les traduisit ensuite en latin. Dâaprès le jugement des auteurs qui étudièrent la vie et les Åuvres du saint, le travail du disciple reflète parfaitement la pensée du maître.
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Au début de cet opuscule, saint Thomas nous avertit que trois connaissances, sont nécessaires à lâhomme pour son salut : la connaissance des vérités quâil doit croire, la connaissance des biens quâil doit désirer et celle des Åuvres quâil a le devoir dâaccomplir. La première nous est enseignée dans le Symbole des Apôtres. (Le 3° volume de la q : Collection Docteur commun » donne lâexplication du symbole de saint Thomas). La seconde de ces connaissances nous est transmise dans le « Notre Père » (dont lâexplication donnée par le même, saint Docteur se trouve dans le 2° volume de la même collection). La troisième connaissance, celle des Åuvres que lâhomme a le devoir dâaccomplir, nous est transmise dans la loi; ce 4âvolume de la « Collection Docteur commun » contient lâexplication fournie sur ce sujet par le docteur angélique, comme suite des deux explications précédentes.
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Le texte latin, qui figure dans ce volume, est celui de lâédition de Parme; mais pour la ponctuation nous avons le plus souvent suivi celle adoptée par lâédition de Marietti.
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Saint Thomas, dans cet opuscule, cite sans cesse la Sainte Ecriture. Il semble que câest un besoin de son âme de se retremper à tout moment à cette source bénie et de ne rien avancer qui ne trouve appui dans la parole même de Dieu.
Pour mieux comprendre la doctrine, très riche contenue dans ces pages, les lecteurs, qui ne possède pas la connaissance en quelque sorte exhaustive quâavait de la Bible le saint docteur feront bien de sây reporter de temps en temps, dâautant plus que les citations du texte sacré sont souvent écourtées.
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Est-il besoin de souligner ici lâintérêt suprême de ces sermons du plus grand docteur de lâEglise? Ils nous expliquent avec une grande clarté et une parfaite précision ce que Dieu lui-même nous demande dâaccomplir pour sa gloire comme aussi pour la nôtre et notre bonheur dans le temps et dans lâéternité.
Déjà dans lâAncien Testament le Seigneur avait dit à son peuple : Celui qui est votre Dieu a trouvé toutes, les lois de la sagesse et il lâa donnée à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Après cela il a apparu sur la terre, et il a converse parmi les hommes. LA SAGESSE, CâEST LE LIVRE DES COMMANDEMENTS DE DIEU tous ceux qui sây attachent arriveront à la vie, mais ceux qui lâabandonnent iront à la mort... à Jacob, embrasse-la; marche à la splendeur de sa lumière. (Baruch III, 37-38, IV, 1, 2).
Ces paroles, que Dieu, avant lâère chrétienne, adressait à son peuple, il nous les adresse à nous aujourdâhui, à nous qui, par la miséricorde du Seigneur, sommes le vrai Israël de Dieu (cf. Rom 9 et Gal 4). Ce serait en effet une erreur de penser quâelles ne gardent pas pour nous la plénitude de leur divine autorité.
Jésus, en mettant en pleine lumière la primauté des deux commandements de la charité, nâa pas en effet aboli les dix commandements de la loi (Matth. 5, 17-19) : Nâallez pas croire que je sois venu abroger la loi et les prophètes ; je ne suis pas venu abroger, mais parfaire. Car en vérité, je vous le dis, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un iota, pas un menu trait ne passera de la loi que tout ne soit accompli. Celui donc qui violera un seul de ces commandements, les plus petits et enseignera les autres à faire de même, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux; celui au contraire qui les pratiquera sera déclaré grand dans le Royaume des Cieux.
Et nous lisons dans lâEvangile de saint Matthieu (19, 16-20) : Voici que quelquâun sâapprochant de Jésus lui dit : « Maître, que dois-je faire de bon pour avoir en héritage la vie éternelle? » il lui répondit : « ⦠Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements » -- « Lesquels ? » demanda-t-il. Jésus déclara : « Tu ne tueras pas; tu ne commettras pas dâadultère; tu ne voleras pas ; tu ne porteras pas de faux témoignage ; honore tes père et mère; et aussi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et cette doctrine est si essentielle, que nous trouvons ce même épisode rapporté dans les Evangiles de saint Marc (10, 17-19) et de saint Luc (18, 18-20).
Sans doute, dés lâAncien Testament, Dieu avait promulgué solennellement le commandement dâaimer le Seigneur de tout son cÅur, de toute son âme et de toutes ses forces (cf. Deut. 6, 5) et celui dâaimer son ami comme soi-même (cf. Levit 19, 18). Cependant le Fils de Dieu, en venant dans la chair, édicte à nouveau et avec une force accrue le commandement de lâamour de Dieu; et il déclare que câest le premier et le plus grand commandement (cf. Matth. 22, 37-38). « Mais de peur que quelque ignorant, dit Bossuet, ne soupçonnât quâen réunissant en Dieu tout son amour, 11 nâen restât plus pour le prochain, il ajoute au premier précepte un second qui lui est semblable (cf. Matth. 22, 39) ; et il porta lâamour du prochain à sa perfection, en montrant encore dans la loi, quâil faut aimer son prochain comme soi-même ; où il met le mot de prochain, au lieu de celui dâami, qui est dans la loi. Parce que le nom dâami eût semblé restreindre lâamour à ceux avec qui on avait des liaisons et une confiance particulière : au lieu que le mot de prochain, plus général, lâétendait sur tous ceux qui nous touchaient par la nature qui nous est commune ». Voilà ce que fait Jésus, et en outre il nous apprend que de ces deux commandements, les plus grands qui soient {cf. Marc. 12, 31), dépendent toute la loi et les prophètes (cf. Matth. 20, 40).
Dans les pages qui suivent, saint Thomas, nous expliquera :
- Comment effectivement toute la loi repose sur la charité,
- Comment la charité repose elle-même sur deux préceptes, dont lâun se rapporte à lâamour de Dieu et lâautre à lâamour du prochain,
- Comment les trois premiers préceptes de Moïse, écrits sur la première table de pierre, se rapportent à lâamour de Dieu; et les sept, écrits sur la deuxième table, à lâamour du prochain, et quâainsi, suivant lâaffirmation de Jésus, toute la loi, est fondée sur les deux préceptes de la chante, qui sont les deux sources principales de tous les commandements.
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« Il est dâexpérience commune que nous enseignons plus par notre vie que par nos discours, et lâexemple, quel quâil soit, impressionne dâautant plus profondément quâil tombe de plus haut » (Dom Delatte). Le Seigneur le savait. Câest pourquoi il ne sâest pas contenté de nous enseigner par ses paroles la primauté des deux commandements de la charité; cette primauté, il lâa proclamée par toute sa vie, par sa douloureuse passion et sa mort dâamour sur la croix. Et la vie de sa bienheureuse Mère, celle de ses Apôtres, de ses martyrs et de ses saints, tout au long de lâhistoire de lâEglise, que sont-elles? Sinon lâapologie de la charité envers Dieu et envers le prochain?
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Dieu veuille que la lecture attentive de cet opuscule de saint Thomas dâAquin aide ceux qui en prendront connaissance à mieux comprendre « la loi dâamour » promulguée par Ce1ui que lâApôtre bien-aimé nous dit être « LâAMOUR », afin que, avec son secours, à son exemple, à lâexemple de sa Mère et de tous les saints, ils marchent toujours dans « la voie de lâamour » ; cette voie, qui, si elle est celle de lâabnégation parfaite, est aussi celle du bonheur parfait!

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